Matisse - traduire les émotions sur la toile

 

« Pour aboutir à une traduction directe et pure de l'émotion, il faut posséder inti­mement tous les moyens, avoir éprouvé leur réelle efficacité. Les jeunes artistes n'ont pas à craindre de faire des faux pas. La peinture n'est-elle pas une incessante exploration en même temps que la plus bouleversante des aventures ? Ainsi quand je faisais mes études je cherchais tantôt à obtenir un certain équilibre et une ryth­mique expressive rien qu'avec des couleurs, tantôt à vérifier le pouvoir de la seule arabesque. Et lorsque ma couleur arrivait à une trop grande force d'expansion, je la meurtrissais - ce qui ne veut pas dire que je l'assombrissais - afin que mes formes parviennent à plus de stabilité et de caractère. Qu'importent les dérivations, si chacune permet d'avancer vers le but!  Il n'y a pas de règles à établir, encore moins de recettes pratiques, sinon on fait de l'art industriel. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement puisque, lorsque l'artiste a produit quelque chose de bien, il s'est involontairement surpassé et ne se comprend plus. Ce qui importe ce n'est pas tant de se demander où l'on va que de chercher à vivre avec la matière, de se pénétrer de toutes ses possibilités. »   

                                      

                                                                        Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art. L'éternel conflit du dessin et de la couleur, 1943